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en repos, c’est ce qu’on appelle avec raison sagesse et prudence. Mais surtout, pour découvrir nos mauvaises inclinations, et les artifices de l’amour propre, il n’y a pas de meilleur secret, que de nous examiner dans le silence et dans la retraite. Yen tse avança tellement par cette voie, que ne parlant presque à personne, il s’attira cependant par la vertu l’estime et la confiance de tout le monde. Voilà jusqu’où l’homme peut pousser cette vertu : il en a le modèle dans Tien. Tien ne dit pas une parole, et qu’est-il besoin qu’il parle ? Les quatre saisons se succèdent avec ordre ; chaque chose pousse à temps ; qu’est-il besoin que Tien parle ? Son silence est éloquent. Aussi n’y a-t-il parmi les hommes, que les sages du premier ordre, qui puissent imiter un si beau modèle. Leang tchong yong comprit fort bien ce discours, et en profita.




Autre discours[1] du même sur la mort de Hoang hien fou , père d’un de ses disciples.


Dans le territoire de Tchao, vivait un honnête lettré, dont le nom de famille était Hoang, le nom propre était Ong pao, et la seigneurie était Hien fou. Il avait un fils nommé Mong sing. Ce fils avait fait quelques centaines de lieues, pour venir se faire mon disciple. Au bout de quelques mois d’une grande assiduité, il prit congé pour quelque temps, afin d’aller voir son père : et après deux ou trois mois d’absence, je le vis de retour plein d’une ardeur toute nouvelle. Après quelques autres mois, il voulut encore aller voir son père, il s’en alla ainsi, et revint plusieurs fois dans l’espace de quelques années. Mong sing était un jeune homme qui avait de très bonnes qualités. Il joignait à un cœur plein de droiture et de probité, des manières honnêtes et polies. Surtout il était bon fils. Mais il était d’une complexion très délicate et peu capable de soutenir de grandes fatigues. C’est pourquoi moins il craignait la peine de ces allées et venues, plus je la craignais pour lui.

Je le pris donc un jour en particulier,  et je lui dis : cher disciple, vous êtes désormais suffisamment instruit : il est trop pénible pour vous de faire si souvent de si longs voyages. Vous pouvez vous en épargner la peine. Ce que vous devez à votre père, est une raison légitime de rester chez vous : demeurez-y donc, si vous m’en croyez et, suivant les occasions, mettez en pratique ce que vous avez appris à mon école.

Mong sing, aussitôt les genoux en terre, me répondit en ces termes : Maître, dit-il, vous ne connaissez pas mon père. Quoiqu’élevé sur le

  1. Dans les œuvres de Ouang yeng ming ce discours se trouve sous le titre d’Hiouen, composition pour la cérémonie Tsi. C’est une espèce d’éloge funèbre.