Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/855

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bord de la mer dans un pays assez sauvage, il a eu dès sa plus tendre jeunesse, un grand fond d’estime pour la doctrine des anciens sages. Il a longtemps cherché quelqu’un qui pût lui servir de guide en cette étude, sans avoir eu le bonheur de trouver ce qu’il cherchait : depuis quelque temps, par le moyen de Siu, de Yong, et de quelques autres, qui ont été vos disciples, mon père a connu votre doctrine, et en a pris quelque teinture. Je ne puis vous exprimer l’estime qu’il en fait. Vous en pourrez juger en quelque sorte par ce que je vais vous raconter.

Mon père n’eût pas plus tôt eu connaissance de votre doctrine, que m’exhortant à la suivre, mon fils, me dit-il, vous me voyez vieux : je ne vous recommande point de travailler à acquérir des richesses, et à vous pousser dans les charges. A quoi je vous exhorte, c’est à vous avancer dans la vertu, et à bien profiter sous un si bon maître, à l’exemple de ces sages qui sont sortis de son école. Je ne prétends point être un obstacle à votre avancement ni que, pour avoir soin de ma vieillesse, vous renonciez à un si grand avantage. Quand votre absence me réduirait à ne manger que du riz clair, et à n’avoir que de l’eau à boire ; quand même elle m’exposerait à demeurer sans sépulture après ma mort, je serais content de vivre et de mourir ainsi, pour vous procurer le moyen d’acquérir la vraie sagesse.  C’est sur ces ordres de mon père, que je suis venu d’abord me mettre au nombre de vos disciples, et que j’ai fait pour cela quelques centaines de lieues. Toutes les fois que je m’en suis retourné pour voir mon père, j’ai eu beau le prier de me permettre de demeurer du moins trois mois avec lui. Jamais il n’y a voulu consentir. Il n’a même jamais voulu m’accorder un mois de séjour. Il a toujours eu soin au bout de quelques jours, que tout fût prêt pour mon voyage, pressant sur cela les domestiques, et m’exhortant moi-même à partir. Quand la tendresse naturelle me tirait les larmes des yeux, et qu’en cet état je me présentais à lui pour le conjurer de trouver bon que je le servisse plus longtemps ; il répondait à mes larmes, en recommençant ses exhortations, et en me reprochant quelquefois que j’avais un cœur de fille. Je vois pourtant bien, ajoutait-il, en s’attendrissant lui-même que ton intention est bonne, et que tu cherches à me prouver que tu es un bon fils ; mais ce n’est pas bien t’y prendre. Fais ce que je veux pour ton bien malgré ma tendresse, et n’aigris point ma douleur. Voilà dans la vérité comment en use mon père : et je vous avoue franchement, que malgré le désir que j’ai de profiter de vos instructions, il n’a jamais tenu à moi que je ne sois resté plus longtemps auprès de lui ; et si je suis à chaque fois revenu si promptement, c’est que mon père l’a voulu lui-même : le moyen de lui désobéir ?

À ce discours je ne puis m’empêcher de me récrier, quelle sagesse dans Hoang hien fou ! C’est là ce qui s’appelle être un bon père. Quelle tendresse, et quelle obéissance dans Mong sing ! C’est là ce qui s’appelle être un bon fils. Courage donc, ajoutais-je alors ; efforcez-vous, cher disciple, de répondre parfaitement au zèle d’un si sage père. Hélas cette année, au commencement de la quatrième lune, un exprès nous a apporte la triste