Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/872

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domestique. Il en était de même à proportion de toutes les conditions qui étaient au-dessus du simple peuple.

Pour passer des hommes aux femmes, ignorez-vous que les reines travaillaient de leurs propres mains ces ornements violets, qui pendaient au bonnet de l’empereur ; que ces bordures rouges, qui distinguaient les princes et les ducs, étaient de la main de leurs femmes ; que ces belles et larges ceintures dont usaient les Grands, et leurs habits de cérémonie, se travaillaient par les femmes de ceux-là mêmes qui les portaient ? A plus forte raison les femmes d’une condition inférieure travaillaient-elles de leurs mains les habits de leurs maris. Leur travail ne se bornait pas là. On offrait de ces sortes d’étoffes ou d’ouvrages aux princes, ou par redevance, quand on était dans leur domaine ; ou en présent, quand on n’en était pas. Enfin, pour les femmes comme pour les hommes, c’était un crime de mener une vie oisive. Voilà quelles étaient les coutumes de nos ancêtres, et cette maxime de nos anciens rois, qui a passé jusqu’à nous, suivant laquelle les Grands doivent travailler de l’esprit et du corps, se pratiquait alors inviolablement. Il n’est pas permis de les oublier, ces sages maximes et ces louables coutumes.

Faites réflexion, mon fils, que je suis veuve, et que pour vous, vous êtes tout récemment mis en place. La paresse et l’oisiveté nous conviennent-elles ? Pour moi, je tâche de n’avoir rien à me reprocher sur cela, et vous paraissez le trouver mauvais ? Que peut espérer le prince, d’un homme qui est dans ces dispositions ? Je crains fort que mon mari ne m’ait laissé en vous un fils peu digne d’un tel père, et que sa postérité ne finisse en votre personne. En effet, peu de temps après Ouen pé mourut sans enfants. King kiang dans le deuil pleurait le matin son mari, et le soir son fils.

Ki kang frère de Mou pé et oncle de Ouen pé, se trouva chef de la famille, ainsi King kiang devait passer chez lui, selon la coutume. Il l’alla donc prendre et en l’invitant, il parla avec beaucoup de respect. King kiang le suivit en silence. Lorsqu’elle fut arrivée à la maison de Ki kiang, elle entra de même, sans dire un seul mot, dans l’appartement qu’on lui avait destiné. Depuis, quoi que Ki kang la traitât comme sa mère, elle ne lui parla que très rarement, toujours de son appartement et d’assez loin. Confucius, à qui on fit part de cette conduite, loua fort King kiang de ce qu’elle gardait si bien les rits.


Tsou et Tsin étant en guerre l’un contre l’autre, le roi de Tsou mit une armée en campagne, dont il donna le commandement à Tse fa. Ce général manquant de vivres, dépêcha un courrier au roi, pour lui en donner avis. Il profita aussi de cette occasion pour faire saluer sa mère. Le courrier étant donc allé chez elle : Comment va l’armée, demanda-t-elle ? Les pauvres soldats sont-ils bien ? Madame, dit le courrier, les vivres manquent. Chaque soldat a cependant eu jusqu’ici sa ration de pois, mais bien petite, et on les compte. Et votre général, ajouta-t-elle, comment vit-il ? Madame, répondit le courrier, il se sent aussi de la disette : il n’a soir et matin que des herbes, un peu de méchante viande, et du riz fort noir. L’entretien n’alla pas plus loin. Quelque temps après, Tse fa revenant vainqueur, sa mère lui ferma la porte de sa maison.