Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/873

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Tse fa fort surpris de ce mauvais accueil, pria des personnes de connaissance d’en demander la raison à sa mère. Mon fils ignore-t-il, dit-elle alors, ce que fit autrefois le roi de Yué dans la guerre qu’il eut contre Ou ? Ne sait-il pas que ce prince ayant reçu sur sa route un présent de vin, il le fit boire à ses soldats ; que dans une autre rencontre, il en fit autant du sac de riz sec et rôti qu’on lui donna, et que du vin et du riz il ne se réserva rien pour lui-même ? Comment mon fils a-t-il eu le cœur de manger soir et matin ce qui lui a été servi, sans le partager avec ses soldats réduits à quelques pois par jour ? Tse fa tout vainqueur qu’il est, est à mes yeux un pauvre général ; je ne le reconnais point pour mon fils. On rapporta le tout à Tse fa. Il reconnut qu’il avait tort, il demanda pardon à sa mère, et la remercia de cette instruction. Alors la porte lui fut ouverte.


Une veuve du royaume de Lou, ayant tout préparé chez elle pour les Fêtes du nouvel an et du dernier jour, appela neuf fils qu’elle avait, et leur dit : Mes enfants, je sais qu’une femme veuve doit se tenir dans la maison de feu son mari, et que les rits le prescrivent. Mais je considère que dans ma propre famille, il n’y a personne d’un âge mur ; sans doute que dans ce temps solennel, les cérémonies s’y négligent, ou s’y font bien mal. Je veux, si vous le trouvez bon, y faire un tour aujourd’hui. Comme il vous plaira, ma mère, dirent les neuf fils à genoux. Vous devez savoir, reprit-elle, que nous autres femmes, nous ne sommes point maîtresses de nous-mêmes. Dans la jeunesse nous sommes soumises à notre père et à notre mère. Dans un âge plus avancé nous dépendons d’un mari. Dans la vieillesse et le veuvage, nous devons suivre nos enfants, et dépendre d’eux en bien des choses. Mes fils trouvent bon qu’aujourd’hui je fasse un tour à la maison de mon père : c’est une petite liberté que je prends qui n’est pas tout à fait selon la rigueur des rits. Mais je le fais pour mettre quelque ordre, où probablement il n’y en a point. Redoublez aujourd’hui votre vigilance, tenez la porte bien fermée ; je ne reviendrai que sur le soir.

Elle part aussitôt accompagnée d’un vieux domestique qu’on avait envoyé pour l’inviter. Elle se pressa de régler toutes choses et le temps étant couvert, il lui parut qu’il était tard. Elle se met donc en chemin pour s’en retourner : mais avant qu’elle arrivât, le temps s’étant éclairci, elle vit que l’obscurité du ciel l’avait trompée, et qu’il était encore de bonne heure. Elle prit le parti d’attendre dans un endroit écarté au dehors de l’habitation ; et le soir venu elle entra. Un seigneur, qui de dessus une terrasse l’avait remarqué, trouva la chose extraordinaire, et eut la curiosité de la faire suivre, et de faire examiner sous quelque prétexte, ce qui se passait chez elle. Ceux qui furent chargés de la commission, rapportèrent que c’était une maison d’honneur ; qu’il n’y avait rien qui n’y fût dans l’ordre, et même dans l’exacte observation des rits.

Alors ce seigneur fit venir la veuve : Tel jour, lui dit-il, venant du côté du nord, vous vous arrêtâtes un temps considérable en tel endroit hors des barrières, et vous n’entrâtes chez vous qu’à nuit fermée ? J’ai trouvé la chose extraordinaire, et je suis curieux de savoir ce qui vous a porté à