Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

étroitement les uns contre les autres, qu'ils ne laissaient aucune issue par où elles pussent s'enfuir. Alors on les poursuivait si vivement dans ce petit espace, que ces pauvres animaux épuisés à force de courir, venaient tomber aux pieds des chasseurs, et se laissaient prendre sans peine. Je vis prendre de cette manière deux ou trois cents lièvres en moins d'un jour, sans compter une infinité de loups et de renards. J'ai vu la même chose plusieurs fois dans la Tartarie qui est au-delà de la province de Leao tong, où je me souviens d'avoir vu entr'autres plus de mille cerfs enfermés dans ces sortes d'enceintes, qui venaient se jeter entre les mains des chasseurs, ne trouvant point de chemin pour se sauver. On tua aussi des ours, des sangliers, et plus de 60 tigres : mais pour ces sortes de chasses on s'y prend d'une autre manière, et l'on se sert d'autres armes. L'empereur voulut que je me trouvasse à toutes ces différentes chasses, et il recommanda à son beau-père d'une manière fort obligeante d'avoir un soin particulier de moi, et de prendre garde que je ne fusse exposé à aucun danger dans la chasse des tigres, et des autres bêtes féroces. J'étais là le seul de tous les mandarins qui fut sans armes, et assez près de l'empereur. Quoique je me fusse un peu fait à la fatigue, depuis le temps que nous étions en voyage, je me trouvais si las tous les soirs en arrivant à ma tente, que je ne pouvais me soutenir, et je me serais dispensé plusieurs fois de suivre l'empereur, si mes amis ne m'avaient conseillé le contraire, et si je n'avais craint qu'il ne le trouvât mauvais, au cas qu'il s'en fût aperçu. Après avoir fait environ 400 milles en chassant toujours de cette manière, nous arrivâmes enfin à Chin yang, ville capitale de la province, où nous demeurâmes quatre jours. Les habitants de Corée vinrent présenter à l'empereur un veau marin qu'ils avaient pris. L'empereur me le fit voir, et me demanda si dans nos livres d'Europe, il était parlé de ce poisson. Je lui dis que nous avions un livre dans notre bibliothèque de Peking, qui en expliquait la nature, et dans lequel il y en avait même une figure : il me témoigna de l'empressement pour le voir, et dépêcha aussitôt à nos Pères de Peking un courrier, qui me l'apporta en peu de jours. L'empereur prit plaisir à voir que ce qui était marqué de ce poisson dans ce livre, était conforme à ce qu'il voyait : il le fit porter à Peking, pour y être conservé soigneusement. Pendant le séjour que nous fîmes en cette ville, l'empereur alla visiter avec les reines les tombeaux de ses ancêtres, qui n'en font pas fort éloignés, d'où il les renvoya à Chin yang, pour continuer son voyage vers la Tartarie orientale. Après plusieurs jours de marche et de chasse il arriva à Kirin, qui est : éloigné de Chin yang de 400 milles. Cette ville est bâtie le long du grand fleuve Songari, qui prend sa source au mont Chan pé, distant de là de 400 milles vers le midi. Cette montagne si fameuse dans l'orient pour avoir été l'ancienne demeure de nos Tartares, est, dit-on, toujours couverte de neiges, d'où elle a pris son nom : car Chan pé signifie montagne blanche.