Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/190

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poëme épique. Que le poëte choisisse donc son sujet en des tems qui soient à une distance convenable de son siecle, c’est-à-dire en des tems que nous n’aïons pas encore perdus de vûë, et qui soïent cependant assez éloignez de nous pour qu’il puisse donner aux caracteres la noblesse necessaire sans qu’elle soit exposée à être démentie par une tradition encore trop recente et trop commune. Quand bien même il seroit vrai que nos mœurs, nos combats, nos fêtes, nos ceremonies et notre religion, ne fourniroient point aux poëtes une matiere aussi heureuse que celle que fournissoit à Virgile le sujet qu’il a traité, il ne seroit pas moins necessaire d’emprunter de notre histoire les sujets des poëmes épiques. Ce seroit un inconvenient, mais il en épargneroit un plus grand, le défaut d’interêt particulier. Mais la chose n’est pas ainsi. La pompe d’un carousel et les évenemens d’un tournois, sont des sujets plus magnifiques par eux mêmes que les jeux qui se firent au tombeau d’Anchise et dont Virgile sçait faire un spectacle si superbe ? Quelles peintures ce poëte n’auroit-il pas faites des effets de la poudre à canon dans les

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