Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/211

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lieu de s’attacher à l’imitation des passions, ils se sont plûs à donner l’essort à une imagination capricieuse et à forger des chimeres dont l’allegorie misterieuse est une enigme plus obscure que ne le furent jamais celles du sphinx. Au lieu de nous parler la langue des passions qui est commune à tous les hommes, ils ont parlé un langage qu’ils avoient inventé eux-mêmes, et dont les expressions proportionnées à la vivacité de leur imagination, ne sont point à la portée du reste des hommes. Ainsi tous les personnages d’un tableau allegorique sont souvent muets pour les spectateurs dont l’imagination n’est point du même étage que celle du peintre. Ce sens misterieux est placé si haut que personne n’y sçauroit atteindre. Je l’ai dit déja, les tableaux ne doivent pas être des enigmes, et le but de la peinture n’est pas d’exercer notre imagination en lui donnant des sujets embrouillez à deviner. Son but est de nous émouvoir, et par consequent les sujets de ses ouvrages ne sçauroient être trop faciles à entendre. On voit dans la galerie de Versailles beaucoup de morceaux de peinture dont le sens enveloppé trop misterieusement, échappe à la penetratio n des