Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/112

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Mgr  Faraud accepta d’autant plus volontiers que les guides formés par lui, mais sollicités par des offres rivales, lui devenaient de plus en plus onéreux, infidèles même ; et que, d’autre part, ses infirmités, avec l’insuffisance de son personnel, lui causaient des inquiétudes sans cesse croissantes.

Il n’eut pas la douleur de savoir que sa bonne foi allait être trompée, car il mourut l’année suivante, 1890, et ce fut Mgr  Grouard qui reçut, avec l’honneur de sa succession, le fardeau aggravé de ses charges[1].


La Compagnie, voyant tomber Mgr  Faraud, crut-elle tenir de nouveau à ses pieds les missions du Nord ? Sous de futiles prétextes, elle avertit Mgr  Grouard qu’au lieu du dollar (5 fr. 15) convenu pour le transport d’une pièce, d’un fort à l’autre, il aurait à en payer deux.

Se soumettre à pareille exaction, c’était en peu d’années saigner à blanc l’œuvre vitale. Mgr  Grouard rompit en visière, et déclara qu’il se passerait de la Compagnie.

On était en 1891. Il se hâta de « sortir du Mackenzie », où ses bulles venaient de l’atteindre ; se fit bâtir un hangar, à lui, à Athabaska-Landing, par les Pères Husson et Collignon ; reçut, en passant à Saint-Boniface, la consécration épiscopale ; et, la besace du mendiant sur l’épaule, continua sa course à travers le Canada, les États-Unis et l’Europe, pour quêter de la charité chrétienne le salut de ses missions.

Il réussit.

En 1892, une scierie à vapeur, fruit de ces aumônes, s’installait au lac Athabaska et débitait les planches destinées à devenir la coque du steamer Saint-Joseph.

  1. Mgr  Grouard parlait ainsi de cette part de son héritage : « Mgr  Faraud a décrit dans des pages éloquentes publiées par les Missions Catholiques, en 1888, ses préoccupations incessantes, ses anxiétés toujours renaissantes, ses angoisses au sujet de l’approvisionnement de nos missions dans ces ingrates contrées. Il trouva, dans son cœur généreux, dans son esprit fertile en ressources, les moyens de créer et de faire vivre des œuvres humainement parlant impossibles, vu les conditions exceptionnellement désavantageuses des lieux, des distances et du climat. La question des transports, qui absorbent la plus grande partie de nos recettes, planait sur ses pensées comme un nuage sombre et menaçant. Investi de l’héritage de Mgr  Faraud, j’ai maintenant l’âme en proie aux soucis et aux anxiétés qui ont si longtemps rongé la sienne. »