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AUX GLACES POLAIRES

leurs missions… Toutes ? Non, je ne puis le dire — et c’est la seule déception que j’eus à emporter de mon heureuse vie du Nord — : l’une d’elles, la mission Saint-Raphaël, du fort des Liards, ne voulut point de nous. Et, pourtant, quelle fête nous y avait été promise par le R. P. Vacher, son curé errant, que nous avions rencontré, durant l’été, au fort Simpson, confluent du fleuve Mackenzie et de la rivière des Liards ! Il avait tant supplié Mgr Breynat d’aller, coûte que coûte, encourager ses pauvres Indiens qui, dans leurs bois presqu’inaccessibles, n’avaient pu voir leur évêque depuis longtemps, que le voyage avait été décidé. Nous partirions en traîneau, l’année suivante, du Grand Lac des Esclaves, et nous irions attendre, au fort des Liards, un mois, deux peut-être, que le dégel nous permît de revenir en pirogue. En fin de mars, tout fut prêt, en effet ; et déjà nous fouettions nos coursiers, lorsqu’arriva une lettre dépêchée depuis quatre mois par le Père Vacher, lequel suppliait le vicaire apostolique et son compagnon de ne point paraître chez lui, « attendu que la pêche et la chasse avaient complètement manqué et qu’il lui serait impossible, avec les quelques patates sauvées de la gelée de l’automne, de nourrir huit jours nos personnes et nos chiens. »

Vous m’aviez prescrit d’être court, Monseigneur : « On lit assez peu les longs livres, de notre temps », m’écriviez-vous. Oserai-je avouer que mon tourment aura été de vous obéir en ce point ? Se voir, un jour, les mains pleines de perles apostoliques, soigneusement ramassées dans les champs lointains, où les jetèrent tant de semeurs de l’Évangile, être réduit à n’en choisir que ce qu’il faut sertir dans le cadre restreint que l’on s’est tracé, et devoir rejeter toutes les autres dans l’oubli : se peut-il tâche plus douloureuse ? L’Esprit Saint nous défend de louer les vivantsante mortem, ne laudes hominem quemquamje le sais ; mais les morts, mais tous ces apôtres tombés dans la primitive Église de l’Extrême-Nord, n’était-ce pas un livre entier qu’il aurait fallu pour raconter les Actes de chacun ?

Puisse, néanmoins, l’effort qui a été tenté de composer, des traits pris à tous, la physionomie du missionnaire des pauvres au pays des glaces, apporter une contribution modeste à la gloire de l’Église catholique, notre Mère ; et