Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/90

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beau qu’il ferait peut-être oublier la longue saison triste, s’il n’était écrit que le Nord n’accordera que des plaisirs payés de sang.

Le fléau de l’été polaire est une engeance pullulant au delà de toute imagination. Elle commence aux premiers rayons de mai, avant même que les glaces soient fondues, pour ne finir qu’au lendemain des dernières chaleurs[1]. Ces insectes, communément appelés maringouins dans les deux Amériques, sans doute par une sorte d’onomatopée, prise à la lancinante musique de leurs ailes, sont les moustiques des pays chauds, les cousins. S’acharnant sur tout être vivant, ils se jettent avec une fureur de prédilection sur les Blancs, les nouveaux venus surtout, dont le sang paraît à leur voracité plus succulent que le sang indien :

« Je ne connais pas, écrit un missionnaire, de plus grand supplice que d’être assailli par ces myriades d’ennemis insaisissables : la faiblesse même, prise en particulier ; la puissance la plus tyrannique et la plus irrésistible, prise en masse ; multitude de chanteurs et de suceurs, qui vous suivent ou qui se remplacent ; mais qui sont toujours et partout assez nombreux pour obscurcir le ciel, vous envelopper, vous harceler, vous exaspérer, vous couvrir la face, les mains, toutes les parties du corps accessibles à leur dard, vous siffler aux oreilles, vous entrer dans le nez, vous piquer la peau et se gorger de votre sang. »


« — Les maringouins qui nous avaient ménagés dans la rivière Athabaska, au début de notre voyage, dit Mgr Grouard, s’étaient, je crois, donné rendez-vous dans le bois, et n’avaient différé de nous attaquer que pour nous faire une guerre plus acharnée. Ni trêve, ni merci ! Tel était le mot d’ordre. Il n’y avait qu’une chose à faire. C’était de se précipiter tête baissée au milieu de nos ennemis, de faire une trouée dans leurs rangs et d’atteindre, par une marche accélérée, les bords de la rivière la Paix, où nous pourrions respirer à l’aise. Notre plan réussit fort bien, quoi qu’il en coûtât du sang versé de part et d’autre… »
  1. Encore ne meurt-elle pas complètement. Le froid saisit les derniers nés, les pétrifie, comme il le fait des grenouilles et de certains poissons, en attendant que le printemps les rende au mouvement et à la malfaisante fonction de produire les œufs d’une autre génération et de s’acharner encore sur les hommes, jusqu’à l’éclosion générale.

    La moustiquaire est, dans le Nord, aussi bien que dans les pays équatoriaux, un article indispensable du trousseau : moustiquaire de jour, qui enveloppe la tête, et moustiquaire de nuit, qui défend tout le grabat.