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Le lecteur nous saura gré de faire suivre ces lignes d’une appréciation des doctrines de Rousseau en regard de celles de Voltaire et des philosophes de l’époque. Ce jugement est extrait d’une lettre inédite du publiciste Mallet-du Pan au pasteur Jacob Vernes.


Lausanne, le 3 décembre 1778.


… On sera, à ce que je crois, bien médiocrement content de ce 28me numéro[1]. Quant à moi, je vous avoue que son jugement[2] sur Jean-Jaques assimilé dans ses torts philosophiques avec Voltaire m’a fait palpiter d’indignation. Je rougis d’être le complice de pareils actes en aidant à les répandre ; j’ai pour la Religion un respect plus épuré que le sien, fondé même sur la résipiscence, sur l’épreuve des écueils où l’affaiblissement des idées morales et de leurs principes a failli me jeter vingt fois. En conséquence, je suis bien loin d’applaudir aux doutes de Rousseau, plus dangereux qu’utiles à publier, mais sa bonne foi manifestée même par ses fréquentes contradictions, le ton décent et plein de franchise qui caractérise ses hérésies, son attachement au théisme le plus pur, sa chaleur pénétrante à ramener les esprits aux dogmes fondamentaux et les cœurs aux vertus, méritent au moins des ménagements et surtout une distinction du bouffon sceptique et baladin qui depuis 25 ans inon-

  1. Il s’agit du 28e numéro des Annales politiques, civiles et littéraires du terrible Linguet, revue à laquelle Mallet collaborait.
  2. Le jugement de Linguet.