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probablement au Détroit où l’un de ces Montour est exécuté en 1709 pour avoir dirigé les Sauvages et leurs pelleteries du côté des Anglais ; porté vers tout ce qui n’était pas canadien, Nicolas Montour épouse une anglaise catholique Geneviève Wills, et il vit et meurt protestant. Il a fait son argent, une centaine de mille piastres, avec la Compagnie du Nord-Ouest, et il veut se payer une belle vie. Il sera député à trois élections, pas brillant, et pas souvent du bon côté, mais député ! Pour se payer le luxe anglais d’aller à cheval, il engage l’arpenteur Le gendre, qui lui prépare un rond de course dans l’érablière du moulin. Pour augmenter la chute d’eau, il creuse six milles de canaux qui amènent le courant, de la rivière-aux-Loutres et de la rivière-aux-Sables.

Il bâtit un nouveau manoir à quatre étages, multiplie les réceptions et traite royalement son monde. Il meurt, en 1808, juge de paix aux Trois-Rivières, laissant ses biens à sa femme qui meurt en 1832, suivie bientôt de son fils Horatio, célibataire. L’héritage va en tiers indivis aux trois filles : Caroline, Julie-Élise et Mélinda.

L’aînée, Mélinda, restera en tutelle toute sa vie, (1801-1872) enfermée dans une chambre du Manoir : elle est folle. Son tiers d’héritage passe à des demoiselles MacPherson, nièces de Madame Montour par leur mère, née Wills.

Caroline, restée veuve de Louis-Edouard Kimber, de Nicolet, après quatre ans de ménage, était revenue demeurer avec sa mère. Le garçon de ferme, Toussaint Biron, se sentait gêné devant elle, et la gentille veuve prenait plaisir à monter avec lui en charrette, à lui donner des messages et des rafraîchissements. Mais on n’était pas au siècle de l’inconvenance, et voilà qu’un matin, Biron annonce qu’il va partir, qu’il ne peut plus travailler là.

— Pourquoi ? demande-t-elle, portée à la démocratie.

— Le brave garçon regarde ailleurs, tourne sa tuque, rougit, bégaie et se livre enfin :

— Il faut bien que je m’en aille : je vous aime !

Il arriva ce que vous pensez ; comme disait l’enfant d’école : le futur du verbe aimer, c’est se marier. La seigneures-