Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/159

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Nous avons examiné, avec le patron, l’état du blessé. Entre ses dents, d’une façon à peine perceptible, le patron a dit :

— C’est qu’un autre sacrifice est nécessaire.

C’est vrai, le sacrifice n’est pas encore consommé tout entier.

Mais Léglise a compris. Depuis quelque temps, il ne pleure plus. Il a l’air las et un peu égaré d’un homme qui rame contre l’ouragan. Je le regarde à la dérobée, et il prononce aussitôt d’une voix nette, calme, décidée :

— J’aime mieux mourir.

Je m’en vais dans le jardin. Il fait une matinée incandescente, mais je ne peux rien voir, je ne veux rien voir. Je répète en marchant :

— Il aime mieux mourir…

Et je me demande avec désespoir s’il n’a pas raison.

Tous les peupliers se mettent à remuer leurs feuilles. Avec une seule voix, qui est la voix même de l’été, ils disent : « Non ! Non ! Il n’a pas raison. »