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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/432

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

aux dires de Platon, quels qu’ils soient, ils tiendront comme ils pourront., jusqu’au jour où quelqu’un, peut-être, viendra les aplanir. » « Les Platoniciens et les Épicuriens, qui ont admis une foule de dieux et de déesses, dit-il ailleurs[1], semblent avoir considéré un grand nombre d’espèces de substances intellectuelles célestes ou terrestres ; ces substances, il les ont appelées intelligences ou démons ; ils ont prétendu que l’intelligence résidait en elles par des formes qu’elles reçoivent de siècle en siècle ou bien encore par des formes créées en même temps quelles ; cette dernière opinion semble être celle de Platon au Timée. Je ne fais que jeter la semence de ces pensées et vous livrer cette semence : à vous d’en décider à pair ou impair (vestrum autem erit par ad impar exsequi). Ici, nous ne traiterons pas de cette opinion, car, en cet ouvrage, nous nous proposons seulement d’expliquer les opinions et les raisons des Péripatéticiens. »

Si donc les diverses théories touchant les Intelligences célestes qui ont été proposées par Aristote d’une part, par Al Fârâbi, par Avicenne et par Al Gazâli d’autre part, méritent qu’on en discoure en de nombreux chapitres de la Métaphysique ou du Livre des causes, les opinions de même nature que Platon a émises valent tout au plus la peine qu’on en décide à pair ou impair. Tel est le mépris où Albert relègue ce Timée que tant de générations de maîtres, au temps de l’ancienne Scolastique, avaient admiré comme le chef d’œuvre du Prince des Philosophes. de sévérité que Platon.

Poutre Avicébron, les attaques, au Livre des causes, se répètent sans cesse :

« Au Fons vitæ, Avicébron s’est fabriqué une Philosophie spéciale[2]. Aussitôt après l’unité du premier Principe qui, dit-il, pénètre toute chose, vient une dualité, celle de la Forme et de la Matière. Selon lui, la première Forme est l’intelligence et la première Matière est celle qui sert de fondement et de support à l’intelligence ; il ajoute que la Forme n’a pas existé, fût-ce durant un clin d’œil, sans la Matière, non plus que la Matière sans la Forme.

» La première Forme, en effet, c’est l’Intelligence, car c’est elle qui détermine la puissance de la mémoire, capable de toutes formes.

  1. Alberti Magni Liber de causis, lib. II, tract. II, cap. XXXIII.
  2. Alberti Magni Liber de causis, lib. I, tract. III, cap. VIII.