Page:Dujardin - Antonia, 1899.djvu/190

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Mais dormir un sommeil de rêve…
J’ai dormi le sommeil du rêve…
J’ai dormi un étrange, un horrible rêve…
Il m’est venu un cauchemar parmi ce rêve…
Oh ! pendant que l’époux dort
Le sommeil de la mort,
Moi, l’épouse, j’ai vécu un effroyable rêve ;
Sans repos, sans fin, sans pitié, sans trêve,
J’ai vécu ce sommeil hagard,
Ce songe blafard,
Ce cauchemar,
Cette dispersion de l’âme dans le cauchemar…
 
Ah ! les baisers infâmes ! les baisers terribles !
Les monstrueux baisers ! les baisers horribles !
L’opprobre des plus saintes élections !
L’affreuse, l’affreuse, l’affreuse prostitution !…
 
Arrière de moi, passants à qui je me donne !
Vous voyez bien que ce n’est pas moi, celle qui s’abandonne !
Arrière, spectres de souillure !
Savez-vous pas que je suis l’épouse toute pure ?
Baisers d’imposture,
Mensonges, décevances, blasphèmes, parjures,
Front fardé, yeux trompeurs, lèvres impures,
Arrière, arrière,
Cauchemars délétères,
Trahison des baisers qui m’enserrent !