Page:Dujardin - De Stéphane Mallarmé au prophète Ezéchiel, 1919.djvu/79

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Le chaos primitif ; l’esprit des dieux flottant sur les ténèbres humides ; la séparation des eaux d’en bas et des eaux d’en haut ; la création du monde en six journées ; l’homme dernier né d’Ea ; le repos du septième jour ; la piété des premières générations ; la perversité des générations suivantes ; la colère des dieux, le déluge, l’arche de Xisouthos sauvant les hommes et les animaux ; la terre repeuplée…

Cela, c’est la religion, c’est la littérature chaldéenne : donc, religion et littérature sémitique (quels qu’aient pu être les apports présémitiques) ; or, continue Han Ryner,

Ces récits étaient confus, touffus, inextricables…

Bien concrets pourtant, ne l’oublions pas…

Mais Héber lui conta un jour les mêmes histoires.

Héber, c’est, dans le livre d’Han Ryner, la personnification anticipée du génie hébraïque, du génie biblique, tandis que Riphat personnifie le génie aryen.

D’abord, Riphat riait au secret de son cœur ; seul l’amour fraternel l’empêchait de dire injurieusement : « Tu as volé ces contes aux prêtres de Chaldée. » Pourtant, peu à peu, les récits le charmaient…

Il admira dans Héber une puissance de simplification qui revêtait la folie même d’on ne sait quelle draperie raisonnable aux plis rares et nobles. Héber isolait la beauté de l’arbre, le débarrassait des lianes étouffantes. Ce qu’il avait reçu grotesque, il le rendait poétique. Refaits selon le génie du sombre nomade, les contes enchevêtrés de Chaldée rayonnaient de beauté simple, presque de naturel et de vraisemblance.

Le nomadisme n’a rien à voir ici : j’aime d’ailleurs un peu moins la suite ; mais Han Ryner a deviné (et chez un non-spécialiste il y fallait de la divination) comment le génie hébraïque a été « l’âme et la flamme » du génie sémitique… Et pourquoi ?… Je vais vous le dire, Han Ryner ; parce que le génie hébraïque a eu la puissance de mener à son extrême conséquence cette vertu originelle du génie sémitique : le sentiment du réel.

Le réel, mais le symbole par le réel, c’est le point central, où