Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/38

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Si j’écrivais ? L’inspiration est bonne ; je vais faire un petit plan écrit de ce que je dois lui dire ; cela sert au moins à déterminer les idées. Je m’assieds ; le buvard, du papier, l’encrier, le porte-plume ; la plume paraît suffisante ; très bien. En face de moi, la tenture de soie chinoise ; les fleurs vagues, blanches, des soieries chinoises, où surnage la lente cigogne au bec monté ; la soie noire, très lisse, où le blanc des broderies ; sur le buvard, du papier ; c’est cela ; écrivons… Que me disait-elle en sa récente lettre ? je devrais d’abord relire cette lettre ; j’ai là ses lettres ; voyons. Dans le tiroir, le paquet de lettres, serré en un carton ; voici l’entière correspondance, ses lettres et le brouillon des miennes. Son premier billet.

« Monsieur,

» Il m’est complètement impossible d’accepter ce soir votre aimable invitation. Si vous voulez la remettre à demain, je serai libre.

» Je vous salue. »

Cela est du soir où je pensais l’emmener souper ; je l’avais été voir la veille pour la première fois ; c’est quand, à minuit, j’ai été la demander chez le concierge du théâtre, qu’on m’a remis ce billet. Et le jour suivant ? c’est le jour suivant que chez ce concierge elle m’a envoyé promener ! Voici son second billet, de quinze jours plus tard.

« Monsieur,

» Je vous suis bien reconnaissante du service que vous avez eu la gracieuseté .......... »

J’étais retourné rue Stévens. Quand on a entrepris quelque chose, on répugne si fort à renoncer brusquement ; j’avais fait des démarches, donné des pour-boire, écrit ; je ne pouvais vraiment pas en demeurer là, tout abandonner, n’y plus penser. Louise, alors, était sa femme-de-chambre ; que de louis j’ai dû lui donner,