Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/65

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— « Ma pauvre chère amie, comme je voudrais que vous soyez contente ! »

À moi j’amène ses bras, sur mon cou sa tête, sa chevelure ; au tour de sa taille mes bras ; sans qu’elle l’aperçoive, je baise ses cheveux, sans qu’elle l’aperçoive ; et ainsi l’on est heureux ; elle est douce, mon aimée, elle est belle et elle est tendre ; elle est bonne, mon amoureuse, et que l’aimer est enchanteur !… Elle relève sa tête ; l’air étonné, elle me considère, l’air attentif ; elle lève sa main ; signe que je me taise ; quoi ? elle écoute ; gentiment elle me demande :

— « Qu’est-ce que vous avez ? »

— « Quoi donc ? »

— « Êtes-vous souffrant ? »

— « Mais non… »

— « Vous avez des palpitations de cœur ? »

Elle met sa main sur ma poitrine, à gauche ; elle écoute ; en effet, le cœur me bat plus fortement.

— « Bien sûr ? » demande-t-elle encore.

— « Non ; ce n’est rien ; je vous jure ; je vous ai là ; alors… »

Et elle, doucement :

— « Vous êtes un enfant. »

Si doucement elle me dit cela « vous êtes un enfant » ; d’une si apaisée voix elle me dit cela et d’une voix si vraie ; elle a ses souriants yeux faits sérieux, tandis qu’elle me dit cela « vous êtes un enfant » ; et d’un si profond cœur, si féminine et si profonde, elle me dit cela que je suis un enfant, et s’éloigne, et s’éloigne, belle et charmante.

— « Un peu attendez-moi, mon ami. »

À la porte elle est ; je réponds « oui » ; elle passe la porte.

— « Je mets mon chapeau et je reviens. »

La porte est laissée à demi entrouverte ; je m’assieds ; j’attends ; je m’occupe à attendre, à l’attendre.