Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/86

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— « Eh bien, en sortant d’ici j’ai suivi la rue des Martyrs, le faubourg Montmartre, puis le boulevard Poissonnière et le boulevard Sébastopol, le tout à pied, et je suis arrivé à la tour Saint-Jacques, square plein d’enfants ; alors, au près de là, j’ai visité un jeune gentleman mon ami, avec lequel ensuite j’ai marché durant un quart d’heure. »

Elle sourit.

— « Vous êtes précis. Et avec cet ami vous avez parlé de moi. »

— « Nécessairement. »

— « Et votre ami vous a beaucoup jalousé. Alors où avez-vous été ? »

— « Où j’ai été ?… »

Ce soir… la foule, affairée et pressée, dans Paris, le soir à six heures ; les rues pleines ; les voitures hâtées et ralenties ; le Palais-royal…

— « J’étais au Palais-royal. »

… La blonde femme rencontrée aux vitres du Louvre, si provocante et mince, haute, fière, hélas perdue dans les marcheurs.

— « Mon ami a dû aller aujourdhui au Théâtre-français entendre Ruy Blas ; j’ai refusé l’y accompagner. »

— « Pour moi ; cela est héroïque. »

C’eût été intéressant, revoir Ruy Blas ; mais j’ai refusé ; ensuite j’ai dîné.

— « Ensuite j’ai dîné ; où ? dans un café de l’avenue de l’Opéra ; vous ne connaissez point ces lieux modestes. Désirez-vous savoir quel a été le menu ? »

— « Vous me le direz la prochaine fois que nous dînerons ensemble. Et là aussi vous avez vu de vos amis ? »

— « Aucun. »

Mais la très jolie femme en face de moi était assise, avec le vieux monsieur si chauve, huissier ou consul ;