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LES PREMIERS POÈTES DU VERS LIBRE


s’en manifestait dès ce moment par les quelques vers, que nous avons cités.

Je n’ai pas de renseignements sur les essais et les tâtonnements inévitables par lesquels il dut passer avant d’arriver au poème entièrement réalisé qu’il donna en août 1888 dans la Revue Indépendante. Chez Vielé-Griffin, plus peut-être que chez tout autre, le vers libre a été le produit d’une lente évolution ; mais, pendant que les autres publiaient leurs essais, il cherchait silencieusement et dans le recueillement. Je le vois encore, en 1887, quand il venait (pas très souvent) à ce Café d’Orient où se réunissaient les jeunes collaborateurs de la Revue Indépendante, un peu lointain au milieu de nos exubérances et nous faisant un peu l’effet de représenter, parmi nos préoccupations d’émancipation, la tradition conservatrice ; et comme on nous eût étonnés, à nous dire que c’était lui qui devait donner au vers libre sa perfection et sa gloire !

C’est, en effet, dans la tradition, mais dans la tradition bien comprise, que Vielé-Griffin a trouvé le vers libre. Pour lui, le vers libre est essentiellement un moment de l’évolution de la langue poétique française ; il se plaît à préciser : de l’évolution esthético-phonétique de la langue française.

Il commença, comme il me le disait lui-même, par chercher expérimentalement des règles de l’euphonie de la langue et put voir confirmer ses réus-