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lourdement, et les arbres grinçaient comme des balançoires un peu rouillées.

Un fruit, tombant aux pieds de Rhœa lui rappela qu’elle n’avait pas dîné, et elle s’assit sous un arbre. Des prunes trompèrent la faim qui la tenaillait. Puis elle reprit le chemin le plus large qui s’offrit à son regard. Elle alla longtemps droit devant elle. Quelques maisons se dressèrent bien sur sa route, mais nul être humain ne les habitait plus ; seuls, des poules, des canards et des chats accueillaient son entrée par un charivari que l’ombre rendait menaçant ; elle s’enfuyait chaque fois plus loin, plus loin, l’âme éperdue.

Vers onze heures, la lune éclipsait, au firmament, la lueur des plus belles étoiles, quand elle perçut des arbres déchiquetés et des squelettes de masures. D’abord, elle s’arrêta court, parce que ses nerfs n’avaient plus qu’une bravoure factice. Des animaux égarés l’avaient plusieurs fois apeurée pendant sa longue marche, mais jamais elle n’avait encore été mise en garde par de semblables relents. Poudre, chair, cuir, crottin, tout cela se dégageait de l’air, venant de ce point d’horizon. Reculer ? La longueur de la solitude déjà parcourue la rebuta. Avancer ? Elle hésitait.

Et voilà que du fond d’un fossé, — comme si une bête énorme s’y remuait, — un bruit sourd la fit se rejeter en arrière. Cela se termina par une plainte.