Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/16

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Au moment de sonner, sa main trembla, une moiteur lui vint au front, et l’effort qu’il lui fallut faire pour tirer le cordon de tapisserie sembla l’épuiser. Un timbre résonna derrière l’huis, des savates traînèrent près de la porte, et toute la ferraille d’une chaîne, d’un verrou et d’un loquet grinça rapidement. Dans l’entrebâillement de la porte maintenue à peine entr’ouverte par une servante aux yeux hardis, la visiteuse dut renouveler sa question :

— Madame Rhœa, s’il vous plaît ?

— C’est ici… Vous avez un rendez-vous ?

— Non… c’est la première fois…

Un sourire entendu glissa sur les lèvres de la bonne, et, pendant que sa main droite détachait la chaîne de sûreté, son regard se posait effrontément sur le ventre de la visiteuse. Nulle déformation ne s’y révélait pourtant, et rien ne paraissait justifier le : « Encore une ! » que murmura la fille en poussant rapidement la jeune femme dans un salon demi-obscur.

Ce salon ressemblait, par la camelote de ses meubles et de ses bibelots, à l’une de ces étranges pièces dans lesquelles s’entassent et patientent de longues heures les oisives en mal de prédictions. Les cartomanciennes ont le secret du mélange pittoresque des meubles. Là aussi, il y avait un canapé de reps rouge, un buffet de salle à manger, une table, un fauteuil Louis XV, un petit secrétaire en laqué