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— Madame est ?… oh !

— Oui ! oh ! les hommes peuvent être tranquilles, s’ils sont égaux devant la mort, nous sommes égales devant la vie ! Silence ! et laisse couler le temps. Peut-être que nous serons vainqueurs, et qu’alors l’insulte sera vengée.

— Madame !… à son âge !…

— Bah ! les enfants de vieux sont les plus intelligents : ma mère m’a mise au monde à quarante-deux ans ; et je suis la onzième de la famille, ça ne m’empêche pas d’être plus avisée que toi.

— Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?

— Je me le demande ! et toi qui sais mieux parler que moi, tu devrais causer avec Madame.

Le danger étant définitivement écarté, la mère, qui s’était sentie invincible tant qu’il lui avait fallu défendre sa fille retomba tout à coup dans son ordinaire effacement. Il lui sembla qu’elle ne trouverait plus les mots nécessaires à une simple explication. Depuis vingt-sept ans qu’elle écoutait le vieux, et qu’elle admirait sa faconde de cabaret, elle lui laissait le soin de débattre les questions épineuses.

Madame de l’Écluse, ainsi que sa compagne d’infortune, avaient tout entendu ; elle ouvrit la porte, et parut :

— Mon pauvre Tiennet, dit-elle, nous sommes tous malheureux, embrassez-la !

— Jamais !… jamais !… Je reconnais que ce n’est pas de sa faute, mais tout de même, il est là.