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les fêtes du destin. Laissez aux hommes le terrible devoir de souffler sur les flambeaux sacrés.

Ce vieillard parlait avec l’autorité d’un apôtre. Il était à cet âge où l’expérience met les esprits au-dessus des remous de la chair.

— Souriez, reprit-il, aidez la larve humaine à franchir le stade bestial du nourrisson, et — dès qu’il parlera, — dès que s’épanouira la fleur charmante, formée par l’enfance de tout être, arrosez-la de beaucoup d’amour… de patient amour. La gangue de l’atavisme dépouillera ses aspérités redoutables, car les fils d’assassins ne sont pas forcément cruels. Les meurtriers ont, neuf fois sur dix, de paisibles et doux ancêtres. Aimez les innocents.

La tête auguste du docteur se pencha vers les bébés, et, comme il embrassait leurs joues satinées, l’un d’eux le retint par une des boucles blanches qui encadraient sa belle tête d’aïeul. Les ongles inconscients du petit s’accrochèrent désespérément aux cheveux.

— Veux-tu bien me laisser partir ? Tu veux déjà me faire prisonnier ?

Et de sa voix la plus douce et la plus saintement bonhomme, il plaisanta :

— Pour que notre victoire soit complète, il nous faut « débocher » même les anges.

Puis il s’éloigna, ravi d’avoir clos gaîment sa leçon de bonté.