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les besognes, les plus humbles et les plus savantes. L’ennemi était à cinq kilomètres de là et y commettait des excès formidables. On évacuait les blessés sitôt leur pansement terminé, et l’on ne gardait que ceux dont l’agonie eût été avancée par le transport. Une trentaine de mourants gisaient dans deux salles, sur des lits, sur des sommiers, ou même sur le paquet. Le bruit du canon se rapprochait d’heure en heure et le roulement ininterrompu des fourgons gris croisés de rouge, semblait le douloureux écho de ce hurlement de mort. À cinq heures, le premier obus tomba sur Saint Pancré, et des civils déchiquetés furent apportés dans la salle d’opération.

La tête bourdonnante de rumeurs métalliques, et des plaintes qui sourdaient de toutes parts, Jeanne Deckes — le front perlé de sueur — lavait les plaies, immobilisait les fractures par les moyens de fortune les plus imprévus ; et la lassitude finissait par dominer sa vaillance. C’était presque automatiquement qu’elle donnait ses soins, quand, à huit heures du soir, le major la prit par le bras.

— Allez-vous en… Ils sont là !…

— Fuir !… jamais ! protesta-t-elle.

Mais l’officier l’avait solidement empoignée et la poussait vers une issue.

— Partez, vous dis-je… Il le faut… Les civils auront besoin de vous.

Sans plus rien écouter, le major ferma la porte