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ils se prétendirent choqués par cette adoration naïve.

Un jour que madame Sylvia entrait à l’hôpital on lui remit un ordre du gestionnaire. Elle était informée qu’elle devait désormais réserver ses soins aux Allemands. Elle pensa tomber à la renverse tant ce devoir lui sembla au-dessus de ses forces.

— Monsieur, dit-elle au médecin-chef, je ne pourrai jamais me résoudre à cette besogne. Sauver les assassins de nos enfants ! Jamais !…

— Supposez, Madame, que votre mari soit blessé et prisonnier.

— De grâce j’en mourrais…

— On ne meurt pas d’horreur, et l’humanité se fait assez de mal pour que nous lui fassions un peu de bien. Bornons la haine ; et que la pitié commence où meurt le bruit du canon…

— Je ne parle pas l’Allemand…

— Le vétérinaire parle-t-il chien ou cheval ? il guérit tout de même.

— J’ai peur de ne plus être bonne ?

— Vous n’êtes pas obligée de l’être ; mais faites qu’ils vous croient bonne. Mentez leur !… ce mensonge sera sublime.

Mme Sylvia ne se douta jamais du motif de son changement de division ; elle alla à son nouveau poste et resta toute droite au seuil d’une salle de captifs, comme si elle eut été poussée dans une cage de tigres. Un médecin bavarois qui parlait assez