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à chaque courrier s’il n’y avait pas une lettre à son nom.

— Non, Madame Sylvia, rien encore, répondait le concierge. Ne vous dérangez plus je vous la ferai porter dès que j’en aurai une.

— C’est que, voilà dix jours que je suis sans nouvelles ; s’excusait l’angoissée.

Elle reprenait un matin le chemin de sa division, quand elle entendit ouvrir la grande porte cochère de la cour principale, en même temps que sonnait le rassemblement des brancardiers. Comme tous les auxiliaires inoccupés à cette heure, elle attendit l’entrée des fourgons gris. Sitôt les battants ouverts, elle vit apparaître des soldats de diverses armes allemandes. Ils avaient tous au milieu de leur pâleur, l’interrogation craintive d’un regard de vaincu ; ils hésitaient à confier leur sort à cette foule de convalescents accourus. Mais leur inquiétude ne durait guère. Si la voix du sergent qui commandait la manœuvre était rude et sévère, les yeux des brancardiers et des rescapés en traitement étaient unanimement pitoyables.

— Les pauvres bougres ! disait-on de toutes parts.

Ces mots résumaient tout le pacifisme français.

— Ces trois civières à la division 7…

— Une, à la division 3…

— Les deux autres… dortoir 7…

C’était le service de Madame Sylvia, et elle suivit les corps étendus.