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chait brutalement un lambeau de leur cœur ; un rictus affreux contracta leur visage ; et, sans un mot de plus, ils se levèrent.

Le général marcha longtemps dans le salon passant et repassant devant sa femme effondrée sur un siège les yeux inondés de larmes. Le silence dura jusqu’à ce que la domestique, attendrie par tant de malheur, osât dire à l’oreille de sa maîtresse :

— Madame devrait se coucher !

— C’est bien ! Allez… ordonna M. Lartineau.

Puis il aida sa femme à se lever, et la conduisit à l’étage supérieur. Ils s’étreignirent devant un crucifix au bas duquel étaient alignées les photographies des cinq soldats qu’elle avait donnés à la France. Le doigt tremblant elle désigna l’image de Robert et dit :

— Celui-ci ?

— Son appel est imminent !…

Les genoux de la femme fléchirent et elle s’abattit sur un prie-Dieu.

— Vous me les avez prêtés, Seigneur, et s’il vous plaît de les reprendre que votre volonté soit faite et non la mienne.

Tant que la prière de Madame Lartineau monta dans le silence de cette nuit de province, le général marcha par la chambre, les jambes de plus en plus lasses, et les épaules de plus en plus tassées. Aussi, quand elle se releva le regard presque apaisé, ils se contemplèrent et se virent dans toute la misère de