Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/29

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et de la chose d’amour ; la dupe de la nature, de l’homme et de Dieu.

J’ai juré — sur mon ventre désormais orgueilleusement stérile — que chaque fois qu’une situation me semblerait touchante, je me dresserais entre la victime et le bourreau. Je suis la Parque qui détache au gré de son caprice, les fuseaux que file le parfait amour. Je rétablis l’équilibre des sexes, et je comble l’abîme que la Société creuse chaque jour davantage entre son intérêt et ses sens.

La Société !… cette monstrueuse grappe humaine qui supporte avec une gravité ridicule le méli-mélo de l’adultère ! La Société, qui commet le crime de mettre une honte sur cette étiquette « enfant naturel », cette Société, je la hais, comme je hais l’homme dont l’inconscience fit ce monument d’injustice pour se réserver cette excitation délicieuse du fruit défendu.

Et ce fruit défendu, c’est toujours une poire… !

— La revanche de la pomme… railla l’étudiante.

— Revanche… non, représailles… c’est beaucoup moins noble.

Sylvia Maingaud toussait dans le salon d’attente et l’écho de ce rhume fit tomber l’exaltation de la faiseuse d’anges.

— Encore une qui est pressée et qui s’impatiente, fit-elle en changeant de ton.

— « Les morts vont vite », plaisanta Jeanne Deckes.