Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/34

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vous que je fasse, noyée dans le mépris général ? Méprisée par ma mère, méprisée par mon amant, méprisée par le monde…

— F…tez-vous de tout cela et gardez votre petit, cria presque la sage-femme.

Un éclair d’énergie brilla dans les yeux de Sylvia Maingaud, puis un découragement l’éteignit ; des sanglots crevèrent.

— Je n’ai pas le sou ! gémit-elle. Sauvez-moi ! Tenez, voilà mon bracelet d’or, ma bague. Je vous donnerai dix francs par mois pendant cinq ans, si vous voulez, mais sauvez-moi !

— Je n’ai pas le sou ! répéta en écho la matrone rêveuse. Et voilà de quoi la société fait fi ! d’une belle fille, bonne, tendre, qui serait une mère parfaite. Quand l’égarement des sens amollit la défense des femelles, si la dot n’attire pas le mâle légitime, l’État civil est là pour flageller l’innocent ; et le monde — le Monde avec un grand M — se réserve le châtiment de la défaillance.

Un long silence plana. Le pauvre professeur de piano, les lèvres et les narines bouffies de trop de larmes essuyées hoquetait doucement. Effrayée par le mutisme de Mme Rhœa dont la méditation durcissait de plus en plus le visage, elle joignit encore les mains, et, très bas, supplia :

— Sauvez-moi, Madame, sauvez-moi !

Sans trop savoir comment, — en un affolement de tout son être, — Sylvia Maingaud s’écroula au