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tion les théories qui caractérisaient les tendances de l’époque.

Vingt-quatre fois depuis le deuil national, le temps avait passé l’éponge de son renouveau sur la tache de sang que la défaite aurait dû rendre indélébile. La terre fleurissait sur la tombe des héros vaincus, le ventre de Paris prenait sa revanche des heures de famine, et — pour excuser l’indifférence — on répétait en mezza-voce cette phrase célèbre :

— Pensons-y toujours, et n’en parlons jamais !

Cette recommandation de silence favorisait à merveille l’individualisme qui sévissait dans toutes les classes.

Des mots belliqueux eussent gêné, aussi la formule commode fut adoptée à l’unanimité. Quand un maladroit osait se souvenir, on lui fermait la bouche d’un « chut » ! n’en parlons jamais !…

« Oui, … mais on n’y pensait jamais non plus».

D’ailleurs, dès 1871, les Français avaient agi comme agissent les héritiers d’une parente ruinée.

Après le désastre, ils s’étaient injuriés, entre tués, puis ils avaient payé les dettes de l’empire défunt. Ensuite, — pleins d’un beau zèle, — ils avaient tout démoli et tout reconstruit en France. Tout fut neuf. Les hommes politiques brillèrent du bel éclat de rouages à l’essai ; l’instruction obligatoire des femmes changea l’esprit du foyer ; et enfin le divorce brisa du même coup la chaîne conjugale et le frein de l’opinion. La polygamie occidentale