Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/87

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Dans les allées et venues qu’elle avait effectuées dans les bureaux, la sage-femme avait rencontré Gilette Destange qui venait faire acte de présence comme simple infirmière, et elle avait croisé — sans la reconnaître — Sylvia Maingaud, magnifiquement belle dans l’épanouissement de sa 35e année. Elles dressèrent l’oreille en entendant le son de leurs voix, se retournèrent en même temps, et Rhœa sourit de toutes ses canines en voyant blémir son ancienne cliente. Elle eût tôt fait de la rejoindre au départ.

— Eh mais, je ne me trompe pas, nous avons eu l’occasion de nous rencontrer, n’est-ce pas, Madame ? dit l’avorteuse de sa voix la plus incisive.

— En effet, répondit plaintivement Sylvia.

— Les élèves abondent ?

— Oui, je suis contente.

— Et le cœur ? railla férocement la première.

— Je suis mariée ! trancha le professeur de piano.

— Ah ! bah ! et vous avez beaucoup d’enfants ?

— Deux ! une fille et un garçon.

— Vraiment ! et vous n’avez pas songé à moi… c’est de l’ingratitude.

— Que voulez-vous, l’ami que j’aimais a eu peur des responsabilités lors de notre… villégiature ; il est resté en Italie fort longtemps et j’ai rencontré un homme très bon qui a fait son devoir. Le mien était tout tracé.