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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

me dit-il, sont des malheureux qui arrêtent les passants, les tuent ou les volent. — Pourquoi as-tu de pareils monstres ? la religion ne peut-elle arrêter les voleurs ? À quoi te sert-elle donc ? À nourrir des capucins et des hommes noirs pour te dire des injures ? »

À la couchée, je vis une fille dont le visage était marqué de petites fosses ; je demandai pourquoi elle avait la figure criblée ; on me dit qu’une maladie gâtait ainsi presque tous les hommes. Cette découverte me poignarda ; j’étais jolie, j’étais femme, j’avais raison de m’alarmer : « Ce fléau, dis-je à mon amant, vient-il de ton pays au poivre ? — Non, nous avons été longtemps les plus ignorants de la cave ; l’ambition de nous décrasser un peu par l’arithmétique, le désir de savoir comment on arrangeait deux et deux font quatre et la belle passion de peindre élégamment un zéro, nous firent voyager dans l’Arabie malheureuse, où nous apprîmes à griffonner les belles figures de l’addition ; nos professeurs nous donnèrent la petite vérole : — Il me paraît que tu deviens toujours savant à tes frais ; tes connaissances te coûtent, tu payes cher le poivre et l’arithmétique[1]. »

À la barrière de Paris, nous fûmes arrêtés par quatre grands voleurs d’aussi mauvaise mine que ceux que nous avions rencontrés dans le bois ; ils

  1. La petite vérole et l’art de chiffrer nous viennent des Arabes.