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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

feront-ils tomber le sang de l’Agneau sans tache sur les souillures de l’amour-propre ? Les foudres de ton Dieu ne doivent-ils plutôt anéantir ces cadavres, que de souffrir dans le sanctuaire l’injurieuse balance de l’orgueil des hommes et l’humilité de celui que les Juifs ont mis à mort ? »

Le convoi funèbre arriva ; quantité de gens avec des flambeaux, des prêtres avec des peaux de veaux, de frérons et de moutons, l’escortaient en chantant. Je demandai pourquoi ces hommes, qui me paraissaient si gais, ne dansaient pas : « Tu m’as dit, Ariste, que la danse était sœur de la musique, pourquoi sépares-tu ces deux parentes ? la danse est-elle plus triste que le chant ? — Cela n’est rien, répondit le philosophe ; c’est que celui qui a fait les rubriques de l’enterrement n’aimait pas la danse. » Deux hommes soufflèrent tout à coup dans deux grosses anguilles et me firent peur ; une douzaine criaient comme si on les frappait, un avec un bâton leur faisait signe de se taire et plus il leur disait de se taire, plus ils criaient.

Au milieu de la cérémonie, un prêtre prononça un discours éloquent, débita de si belles choses sur l’homme tombé en puanteur, qu’il le fit aussi grand, aussi merveilleux tout au moins que le maître de sa cave. Il commença par des mots que personne n’entendait ; je ne voyais point par quelle nécessité, pour se faire entendre, il commençait par des paroles inintelligibles à la plupart des auditeurs. Après avoir dit son latin, il rêva un moment,