Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

cracha deux ou trois fois, et puis il s’écria : « Les voiles de la mort étendus dans ce Temple, ces flambeaux funéraires, ce cortège lugubre, ces pleurs, ces sanglots (il mentait, personne ne pleurait), ces chants mélodieux (et la musique était détestable) sont les derniers devoirs que nous allons rendre au très haut, très puissant Gilles-Claude-Nicaise-Robin-Choux-Pomme, Seigneur de Robin-Choux-Rouge, grand justicier des cinq potences aux environs de Guines-la-Putain. »

Après un déluge de lieux communs, l’orateur entonna la pompeuse généalogie du mort, et mentit comme le Mercure de France. « Les Robin-Choux-Pomme, messieurs, sont originaires de la Savoie. Un des descendants de cette illustre maison porta la marmotte à Memphis ; c’était un honneur dans ces temps-là de porter la marmotte, comme de porter aujourd’hui à son col une jarretière, un éléphant, une croix de S.-André, une Marie-Thérèse, et la peau d’un mouton.

« Un Christophe Robin-Choux-Pomme épousa en Égypte une petite nièce du grand berger Jacob, qui faisait avec ses sœurs des briques aux faubourgs de Memphis ; occupation digne de la propreté et de l’intelligence du peuple choisi. Au passage de la mer Rouge, Christophe changea son nom de Robin-Choux-Pomme en celui de Robin-Choux-Rouge. Un de ses descendants, nommé Isaac-Noémi-Mathusalem Robin-Choux-Rouge, fut un franc-maçon, qui osa le premier déclarer le secret et les mystères de