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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Comment une femme peut-elle paraître belle ? Tu ne montres que son visage ; tu ne fais attention qu’à son œil ; un œil fait-il la beauté ? Combien de femmes dont le minois est joli et le reste très laid. La nature a donné, à celles que tu appelles laides, des grâces qui compensent un nez et des yeux qui ne sont pas moulés à ta fantaisie, une main blanche, un bras rond, une belle gorge, un pied mignon, un… que sais-je ? Tout cela ne balance-t-il pas un bel œil ? Fais déshabiller tes dames de Paris, les belles te paraîtront moins jolies, et les laides charmantes.

« Ce législateur, qui faisait déshabiller les filles et les garçons avant de les marier, connaissait la nature et la beauté ; tu crois toujours les usages de ton pays admirables ; tes lois valent-elles celles de la nature ? L’autre jour je disais à ton fermier : — « Ta ménagère est terriblement noire. » — « Je ne sommes pas si regardants, répondit le rustre, notre femme a un côté aussi beau que celui d’une reine, voilà pourquoi je l’avons pris ; dame ! voyez-vous, je ne pouvons pas nous dérouiller la conception avec le teint. »

« L’amour, ce feu sacré que la nature allume dans le cœur de l’homme, est aussi asservi à tes caprices ; tes faux sages, toujours écartés de la nature, ont troublé la liberté de ta passion, chargé ton cœur d’un cérémonial étranger. Deviens-tu amoureux ? il faut que la tête te tourne pendant quelque temps, que tu ailles dire, en tremblant, aux pieds de ton idole que tu l’adores. La belle, stylée à tes usages,