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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Chrétien, c’est un fermier général. — Qu’est-ce qu’un fermier général ? — C’est une machine lourdement organisée, qui contente ses caprices, parce qu’elle a de l’or. Ces seigneurs sont ordinairement des faquins ; ils ont commencé comme moi. » Comme je ne connaissais pas les fermes du Roi, je demandai ce que c’était que les fermes. « C’est un bail où le souverain met soixante voleurs dans l’impuissance d’être jamais d’honnêtes gens. »

Je restai deux mois avec le veau d’or ; le veau s’avisa de mourir, il me laissa une maison et de l’argent : je me trouvai avec cent cinquante mille livres, sans compter ma garde-robe et mes bijoux, qui en valaient davantage. Je me disposais d’aller dans mon pays faire le bonheur d’un galant homme, quand je m’amourachai du plus indigne des mortels.

Le fils d’un manant de Picardie, allié à tous les gredins de sa paroisse, me fit la cour. Cet homme était aussi ambitieux qu’un gentilhomme de la Westphalie ; il avait trouvé sur un grand chemin une bourse de cinq cents louis, était venu à Versailles, s’était donné pour un gentilhomme picard, avait été reçu, on ne sait trop comment, chez les gardes du Roi, et quinze jours après chassé ignominieusement de ce corps pour lui en avoir imposé. La figure de M. Berlingoville m’intéressa ; il me proposa sa main, se masqua tellement, que je crus avoir trouvé une merveille ; je l’épousai : le lendemain de notre mariage il me développa son joli caractère.