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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

d’honnêtes gens comme eux et cela leur fait plus d’honneur que leurs portraits sur du papier. »

« Cette femme me plaît, dit Mme La Tour, son bon sens ravit le mien. »

À neuf heures, mon époux arriva avec un mousquetaire et un garde du roi ; il venait sans doute de perdre mon argent avec eux. Dès le bas de l’escalier, il appela son domestique pour lui donner plutôt des ordres, il fit passer les messieurs dans l’appartement et resta à la porte à parler à son valet ; il ne savait pas encore la bonne compagnie qui l’attendait. Dès qu’il entra, sa mère s’écria : « Eh ! bonjour, mon fils Pierrot ». Cette politesse le pétrifia, ses yeux s’égarèrent, son teint pâlit, ses jambes tremblèrent, son frère lui sauta lourdement au col, il ne le sentit point. Cette immobilité enchanta Mme La Tour ; à ce coup de théâtre, le mousquetaire et le garde du roi comprirent de quoi il était question.

Mon époux, revenu de sa surprise, dit à ses amis : « Allons souper chez la Dubuisson, madame fera les honneurs de chez moi. » Mme La Tour, qui voulait mater sa fatuité, jouir de sa confusion, assura qu’elle resterait au souper ; on m’a invitée tant de fois, que je veux avoir l’agrément de manger en famille. Les officiers dirent qu’ils feraient compagnie aux dames. La mère, piquée de la froideur de son fils, lui dit vivement : « Vous êtes bien glorieux, Pierrot ? c’est mal payer les peines que je me suis données de venir de si loin pour vous voir :