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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Quoique rempli d’entrailles pour le bonhomme Xan-Xung, je n’osai lui souffler aux entrailles. Son derrière, sec comme les montagnes de Gelboë, aurait glacé un Inigite du dernier vœu. Je mis mon grand-père dans un sac, je le portai à Paris ; en arrivant à la porte Saint-Jacques, les commis m’arrêtèrent, pesèrent mon grand-père et me firent payer dix livres cinq sols et quelques deniers ; je disputai le payement, ils me dirent d’un air de protection : « Ne contestez pas, monsieur ; si votre grand-père était en nature, il ne devrait rien, mais il est en momie, il faut payer » ; ils me montrèrent une ordonnance du Roi où la momie devait aux fermiers cinq sols par livre.

Quelques jours après, les apothicaires me firent un procès, sous prétexte que ne pouvant donner de lavements à Paris sans un privilège du Roi, je ne pouvais aussi vendre de la momie sans un privilège ; on plaida dix-huit mois. L’avocat des apothicaires assurait que j’avais vendu près de quatre onces de momie : « La Cour, dit-il, dans son savant plaidoyer, ne peut douter un moment que les nez du temps de François Ier étaient aussi longs, aussi gros que les têtes d’aujourd’hui sont plates, il constate par le rapport des experts que la momie avait cette partie du corps tellement saillante, tellement étendue qu’en plein midi l’ombre du profil devait dérober exactement la moitié du visage aux ardeurs du soleil. Il est démontré, messieurs, que la partie adverse a vendu au moins trois onces et demi de ce nez et