Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
207
IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

obtus qui leur font perdre l’exacte rondeur qu’elles avaient reçue de Xenoti. En mourant ou mieux la petite cruche venant à se casser, la roue retourne au ciel ; dès qu’elle voit la roue éternelle, elle veut tourner, elle ne le peut à cause qu’elle n’est plus exactement ronde.

« Pour soutenir son système éternel, le Tien envoie ces roues aux enfers pour acquérir cette parfaite rondeur, et jouir après du bonheur de tourner éternellement ; l’enfer est rempli de petites roues crochues, carrées, dures et raboteuses. Les plus défectueuses, les plus massives, les plus dures sont celles des traitants, des bramines, des derviches et des bonzes. Dans l’enfer, les roues tournent sur tous les sens, se cherchent, se heurtent pour s’aiguiser, se polir, s’arrondir les unes contre les autres, et par ce travail laborieux, acquérir la rondeur nécessaire pour tourner en paradis.

« Il y a du hasard, ou, pour mieux dire, du bonheur en enfer comme en paradis et en tous lieux. Les roues qui ne sont pas exactement rondes sont heureuses quand elles peuvent rencontrer la roue d’un procureur, d’un traitant ou d’un derviche ; ces dernières étant fort dures, les roues tendres comme celles des filles de joie et des femmes s’arrondissent fort facilement en se frottant contre elles, tandis que les autres plus dures n’acquièrent qu’après un temps infini leur rondeur. Par cette industrie, les méchants, les procureurs et les prêtres sont utiles aux enfers.