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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

« Les roues, qui ont animé les cruches des animaux, sont semblables aux nôtres ; elles sont sorties comme elles de la roue éternelle ; cela est prouvé par ton monde, où, malgré ta sotte vanité d’animal raisonnable, tu ne connais que deux êtres, l’être divisible et l’être indivisible, que tu nommes l’âme et le corps et que nous appelons en enfer et en paradis la roue et la cruche. Le Tien n’a pas fait une troisième espèce d’êtres, puisque tu n’en vois point dans ton monde.

« Les animaux, qui sont des créatures du Tien comme toi, ont aussi altéré la rondeur de leurs roues dans leur cruches à quatre pieds ; en sortant de ton monde, elles vont dans le ciel y tourner un moment, si leurs roues comme celles des hommes ne sont pas exactement rondes, si elles ne peuvent tourner, on les envoie en enfer pour s’arrondir avec les nôtres : détachées de leurs organes massifs, on ne les distingue point de nos roues, parce que les roues n’ont ni sexe, ni espèce, une duchesse frotte sa roue contre celle de son chien, de son fermier, malgré les privilèges du tabouret. »

Aux pots-pourris de mon grand-père, je crus qu’il s’était cogné la tête contre quelques roues de moulin en traversant le Styx, il jasait si bien, je ne m’en étonnais plus, en rappelant le temps immense où il avait été sans parler. Ce grand babil devait être le fruit précieux des écoles de Pythagore. Son babil cependant m’étonnait encore moins que ses perpétuels déraisonnements, je lui dis : « Mon papa,