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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

il paraît qu’on ne fait guère plus d’usage du sens commun dans l’autre monde que dans les écoles ; excusez si je vous parle librement, je commence à être persuadé qu’il faut avoir perdu l’esprit pour briller dans l’autre monde. »

Mon grand-père, dont la roue n’était pas encore parfaitement ronde, prit de l’humeur et me dit d’un ton railleur : « Voyez-vous ces jeunes gens ? ils n’ont vu que le plat pays de leur petit monde, ils récalcitrent contre l’expérience des morts et des vieillards, impertinent étourdi, de quoi ris-tu ? — De votre enfer et de votre paradis. — Ris sur toi, malheureuse cruche, répondit-il vivement, ton paradis, ton enfer n’ont point d’envers ni de bon côté, ton paradis est un don de Dieu, son prophète a couru dans la lune pour t’assurer cette récompense, et tes derviches prêchent que ton paradis est d’une difficulté extrême à trouver, qu’il faut le chercher avec plus de peine que les diamants dans le fond des mines et des rivières. Dis-moi, si ton paradis est un don, pourquoi faut-il le chercher ? Le Tien est meilleur que ton prophète, il le donne à tous les hommes, et n’en prive personne ; son enfer est plus utile et mieux entendu que le tien, il arrondit les roues, les met après en état de tourner parfaitement ; le dieu de Mahomet peut perfectionner les âmes, les rendre sages et parfaites, il n’en fait rien. Dis-moi, cruche fêlée, mauvais pot de terre à deux hanches et à deux pieds, qu’as-tu à rire de la conduite du sage Xenoti ? est-ce à cause

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