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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

De dix malades qui vont prendre les eaux de Spa, il y en a au moins huit à qui elles sont pernicieuses ; il est de la santé que procurent ces eaux, comme des fortunes que l’on fait dans les Indes. Deux cents périssent en allant la chercher dans le nouveau monde, on n’en parle point : un seul revient chargé de richesses en Europe, son état brillant fait du bruit, et l’on conclut étourdiment que tout le monde y fait fortune. J’ai tout examiné à Spa, je n’ai vu que des sots, qui croient devenir immortels en buvant pendant un mois quelques gobelets d’une eau amère ; je n’ai rencontré que des lords, des demi-lords, qui descendaient avec empressement de leur voiture, et couraient dans la méchante cabane d’un libraire avare et vilain, pour y faire imprimer leur nom, leur surnom, avec leurs qualités primaires et successives. Que cette petite vanité de faire imprimer son surnom est imbécile.

Si les eaux de Spa ne guérissent que dans la Gazette de Liége[1], le voyage de Spa est au moins miraculeux ; l’exercice qu’il occasionne à des femmes, qui ne font que médire et jouer, allège ordinairement des tempéraments cassés d’oisiveté, ou blessés de mollesse. Sans courir à Spa, que les Anglais choisissent quelque montagne de leur île, qu’ils la fassent aplanir un peu sur les

  1. Le plus détestable ouvrage périodique que je connaisse : chaque ordinaire fourmille de fautes contre le français ; et quand un ordinaire est sans faute, c’est qu’on a copié mot pour mot la Gazette de France et celle de La Haye.