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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

comme aux raisins de ce fameux peintre de l’antiquité.

À quinze ans, on m’endoctrina du métier de menuisier ; malgré mon application chez maître Jacques, je n’appris jamais qu’à faire des chevilles ; il m’a resté une si forte teinture de cet art, que j’en fourre dans la prose, dans la ponctuation, et surtout dans les vers.

À vingt-trois ans, il fut question de me trouver une femme. Mon grand-père voulait me donner Mlle Desmarets, née demoiselle, fille du bourreau d’Étampes, belle-sœur de messire Charles Samson, bourreau de Paris. La demoiselle était assez jolie. Le bonhomme, en faisant ce mariage, avait ses raisons ; il attendait des services de mon futur beau-père. Depuis soixante-dix ans que mon grand-père existait, il avait mérité mille fois d’être pendu, et cela parce qu’il jouissait tranquillement de cinquante mille livres de revenus ; il ne pouvait ignorer sa malheureuse destinée, il avait lu cent et cent fois sa sentence dans son philosophe. Pour empêcher mon précepteur de conclure un mariage si sortable, je me sauvai chez un oncle, qui avait aussi été élevé dans les principes de la philosophie des ours blancs.

En entrant, mon oncle se plaignit de son fils, qui était depuis deux ans à Paris. « Ce monstre, dit-il, dépense dix mille écus par an ; » c’était précisément à cause que mon cousin dépensait dix mille écus, qu’il était un monstre aux yeux de mon oncle,