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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

en me maltraitant, qu’il fallait toujours éloigner de sa fille les occasions prochaines du péché.

Les paysans me conduisirent lié et garrotté comme un bandit qu’on chasse d’un territoire. À une lieue du village, ils me délièrent, et me rendirent mon cheval ; je sautai à l’instant dessus, je courus sur eux ; je cassai le visage à deux ou trois de ces rustres, les autres se sauvèrent. Ma tante, avec sa belle éducation, m’exposait à tuer quelques paysans ou à me faire tuer ; et cela à cause qu’un philosophe avait voyagé dans l’île des ours blancs, rêvé dans l’île de Robinson, que ma cousine Sophie était jolie et que je n’avais pas encore jeté ma gourme.

À mon retour à Paris, je trouvai une lettre fulminante de mon père. J’employai toute mon éducation pour l’engager à me pardonner un instant de faiblesse ; il ne me répondit point, je hasardai d’aller le trouver. En entrant, il prit un bâton, m’en donna rudement, à cause que ma cousine Sophie était jolie ; il croyait peut-être que son bâton réparait la sottise que j’avais faite.

Chassé de la maison paternelle, je n’avais d’autre asile que chez une jeune demoiselle, dont j’avais le cœur. Je fus bien reçu, la mère consentit à nous rendre heureux ; mais, au moment qu’elle écrivait à son père, elle reçut une lettre de mon grand-père, qui lui mandait l’aventure de ma cousine Sophie. Le mariage fut rompu ; j’eus beau lui dire que ma faiblesse était une faute digne de mon âge, elle

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