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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

répondit qu’il ne fallait pas faire de faute, que les hommes n’étaient pas nés pour en faire. La fille se jeta à ses genoux, j’en fis autant. La mère fut inexorable.

Anéanti de ces aventures, je maudissais le philosophe et l’éducation des ours blancs. Hélas, disais-je, Jean-Jacques n’est point sorcier ; c’est un somnambule qui, en coptant une cloche, croit apprendre les mathématiques aux enfants. Les hommes ont travaillé à l’éducation de leurs semblables, les dieux ont descendu sur la terre pour les rendre meilleurs ; les sages et les dieux ont-ils réussi ? les enfants d’aujourd’hui valent mieux que leurs pères, la preuve est dans toutes les familles. Je remontai dans la mienne, je trouvai que mon père valait mieux que mon grand-père ; et, malgré l’histoire de ma cousine, je valais mieux qu’eux. Je vis qu’il serait plus utile de faire un traité d’éducation pour les pères et les mères que pour les enfants.

Nos pères et nos mères, qui n’ont écouté que leur incontinence pour nous donner l’être, se citent toujours pour exemple. À les croire, ils ont été sages comme Solon, prudents comme Pythagore. Dans leur jeunesse, ils étaient les types de la chasteté, les modèles de l’obéissance et les miroirs sans tache de la vertu. Leurs amis, leurs enfants, leurs domestiques ne croient point à ces oraisons funèbres.

Ne sachant que devenir, j’allai m’offrir à un capitaine. C’était un homme de trente-cinq ans ; je lui dis que j’avais eu le malheur de coucher avec ma