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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

ceptes de Jean-Jacques que comme les règles de l’horlogerie appliquées à la nature humaine, et le philosophe de l’île des ours blancs ne fut plus à mes yeux qu’un animal curieux comme le rhinocéros. Je compris que, pour donner une bonne éducation aux enfants, il fallait les mettre au service dès l’âge de dix ans jusqu’à vingt. L’État, par ce système, aurait autant de soldats que d’hommes, et la société autant d’Émiles.

Il n’y a point d’endroit où la religion s’oublie plus aisément que dans les casernes et dans les cloîtres. Les soldats ne pensent que légèrement à Dieu. La plupart des moines, accoutumés aux rubriques de leurs heures, croient avoir tout fait pour le ciel, lorsqu’ils ont braillé dans un chœur, et fait le même bruit que les orgues de leur église.

La vérité et la religion n’étaient plus dans mon esprit, leurs flammes brûlaient encore dans mon cœur ; à la sortie des troupes, je fis de sérieuses réflexions sur les principes de la religion naturelle de Jean-Jacques : tout ce que son prêtre savoyard nous prêche, disais-je en moi-même, a été dit par Bayle et répété par les Anglais ; rien de nouveau ni de surprenant dans cette philosophie pour les gens qui lisent ; et si le sauvage de l’île des ours blancs a paru divin dans ce morceau, il doit son apothéose à l’ignorance et aux gens qui n’ont pas le sens commun.

Sans l’appareil des mandements, qui ne font qu’irriter les auteurs, je crois que le désordre des