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LA VILLE SANS FEMMES

temps pour écouter les histoires de chacun et celles-ci me renseignaient bien plus sur l’état d’âme que sur l’état physique de ceux qui me les racontaient.

J’admirais surtout un brave type toujours souriant, toujours gai, toujours prêt à rendre service et qui trouvait en toute occasion un mot d’encouragement pour chacun. Je me disais en moi-même que cet homme-là était sûrement doué d’une nature exceptionnelle pour réussir à s’évader ainsi de son drame personnel. Un beau jour, il fut admis à l’hôpital et je constatai avec étonnement que, bien qu’il fût allongé dans un lit et dévoré de fièvre, ses amis venaient le voir pour recevoir de lui le réconfort dont ils avaient besoin. Lui-même, en dépit de sa fièvre, semblait heureux de continuer à jouer ce rôle, qu’il remplissait comme une mission. Il les encourageait tous avec le même sourire et la même bonne humeur.

Un soir, cependant, après le départ des visiteurs et comme la nuit tombait, je vis la figure du brave homme s’assombrir, devenir triste et grave. Je l’observai longuement et, pour la première fois, je découvris dans sa physionomie une expression de lassitude profonde. Je m’approchai et lui dis :

— Comment, vous paraissez soucieux, vous qui êtes toujours si gai ?

— Je vais vous expliquer, dit-il. Toute la journée, j’oublie mes ennuis parce que je passe mon temps à consoler les autres. Mais une fois seul, le soir, je pense aux miens… et dame !