Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
LA VILLE SANS FEMMES


Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte,
De ça, de là.
Pareil à la
Feuille morte !


Moi aussi, je suis poussé par un vent mauvais qui m’emporte vers une destinée sans issue, sans lendemain…

Je m’habille lentement. Le ciel de plomb annonce une sale journée. Le surouët, qui souffle par rafales et annonce la pluie, fait trembler les baraques comme s’il voulait les arracher de leurs risibles fondations. Pourquoi ne va-t-il pas jusqu’au bout et ne les enlève-t-il pas pour de vrai, dans l’espace, vers n’importe où, mais ailleurs, vers la liberté ?

Sur la rive opposée du lac, les arbres entourés d’un halo bleuâtre ne montrent plus que leurs troncs blanchis comme des os de squelette. Les frondaisons sont tombées comme nos espoirs. Ce qui reste encore de feuilles accrochées aux branches a perdu la souplesse verte du végétal. Ces feuilles se sont métallisées : elles ont pris d’innombrables nuances, depuis les rouges feu du cuivre, en passant par les jaunes safranés du laiton, jusqu’aux grisailles dorées du bronze…

La surface du lac frissonne, et ses reflets sont livides.

Cette symphonie automnale s’achève par une pluie triste comme des pleurs.

Je cherche à me secouer. Je quitte précipitamment la vue de la forêt et je jette un coup d’œil sur notre petite