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LA VILLE SANS FEMMES

Et pourtant…

Je regarde autour de moi. Je vois et j’observe ces hommes se roulant dans le souvenir de la volupté comme des couleuvres s’ébattant au soleil d’août. Ils se contorsionnent l’âme et le corps dans le désir. Mais le désir lui-même n’est-il pas, au fond, que l’expression profonde et exaspérée de tout ce qui nous manque ?

Ces hommes sont des instinctifs et des primaires.

Allons jusqu’au bout des choses.

Supposons, pour un instant, qu’ils puissent avoir l’amour qu’ils convoitent tant. Seraient-ils heureux pour cela et à cause de cela ?

Les paroles de Georges Duhamel dans Possession du monde me reviennent à l’esprit : « Volupté ! Volupté ! toi qui es l’éternelle insatisfaction, est-il donc vrai, insaisissable, que tu nous tromperas toujours, et que toujours nous chercherons le bonheur à travers toi ? Non, tu n’es pas le Bonheur, ô Divine !… Vivre sans toi est une disgrâce amère ; mais tu n’es pas le bonheur, ô Reine ! Laisse-le moi balbutier, même à travers tes soupirs, même à travers tes sanglots, qui ressemblent toujours à ceux de la tristesse.

« Pourquoi le bonheur nous commande-t-il de te sacrifier souvent, de nous méfier de toi toujours ?

« Il n’est pas de bonheur sans harmonie, tu ne l’ignores pas, toi, qui es le désordre délicieux, le râle, le rire, la ruée… »